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Miguel Trovoada, Special Representative for Guinea-Bissau. UN Photo/Eskinde Debebe

17 February 2016, Security Council briefing on the situation in Guinea-Bissau, Special Representative Miguel Trovoada

Monsieur le Président, Honorables membres du Conseil,

Je vous remercie de l’opportunité qui m’est offerte de présenter, devant cette auguste assemblée, le rapport du Secrétaire Général sur la situation en Guinée-Bissau et les activités du Bureau Intégré des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix dans ce pays (BINUGBIS).

Depuis la parution de ce rapport, la situation en Guinée-Bissau reste marquée par des divergences continues au sein de la classe politique. Ces divergences se sont cristallisées lors du vote du programme du Gouvernement, le 23 décembre dernier, au cours duquel, 15 députés du Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), parti au pouvoir, se sont abstenus, en opposition aux instructions de leur parti. En réaction à cela, le PAIGC a décidé de les expulser et, en conséquence, a demandé leur substitution à l’Assemblée Nationale Populaire. A cet effet, la Commission Permanente, réunie le 15 janvier 2016, a prononcé la cassation du mandat de ces 15 députés.

Aujourd’hui, les dissensions politiques qui étaient circonscrites au Parlement ont débouché sur un véritable imbroglio politico-judiciaire. Le Président de l’Assemblée Nationale d’un côté, trois des 15 députés expulsés de l’autre, ont séparément fait appel au Tribunal Régional de Bissau, pour statuer sur la décision de la Commission Permanente relative à la perte de mandat des députés susmentionnés. Le 8 février, ce Tribunal a rendu une ordonnance de référé qui contredit la suspension de la perte de mandats, en opposition avec sa première décision qui, elle, ordonnait à ces mêmes députés de se conformer à la décision de la Commission Permanente de l’Assemblée Nationale.

C’est dans ce contexte que, le 1er février, le Président de la République a pris l’initiative de réunir les différentes parties en conflit afin de rechercher, par le dialogue, une issue consensuelle à l’impasse politique qui secoue actuellement le Parlement. Il a donc décidé d’inviter au Palais présidentiel le Président de l’Assemblée Nationale et les représentants du PAIGC, du PRS, des 15 députés dont le mandat a été cassé, et ceux de la société civile, pour des rencontres qui se sont déroulées en présence des représentants du Groupe des cinq partenaires internationaux de la Guinée-Bissau composé de l’Union africaine, de la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP), de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union Européenne et des Nations Unies. Le Président Vaz a donné lecture de toutes les correspondances qu’il a reçues au sujet de la crise actuelle, y compris celles où il lui était demandé d’user de sa magistrature d’influence pour dénouer la crise. Chaque partie a présenté sa position et les arguments politiques et juridiques qui la sous-tendent.

Le 2 février, le Président a convoqué une deuxième rencontre pendant laquelle les parties ont réitéré leurs positions respectives. Il y avait d’une part, l’Assemblée Nationale et le PAIGC qui maintenaient que les députés avaient été exclus légalement et de l’autre, les 15 députés expulsés, appuyés par le PRS, qui considéraient que cette exclusion était illégale.

A la suite de ce deuxième tour de discussions, le leader du PAIGC a adressé, le 4 février, une correspondance au Président de la République, demandant la modification du format des rencontres arguant que le dialogue devrait être mené entre institutions plutôt qu’entre individus. En conséquence, ni l’Assemblée Nationale, ni le PAIGC n’ont participé aux rencontres suivantes, y compris celle du 10 février qui s’est déroulée en présence de l’ancien Président Olusegun Obasanjo, Envoyé Spécial du Président du Nigéria et du Ministre des Affaires Etrangères du Timor-Leste, M. Hernani Coelho, qui assure la présidence tournante de la CPLP accompagné de M. Murade Murargy Secrétaire exécutif de cette organisation, en plus des représentants du Groupe des cinq partenaires internationaux.

Dans l’intervalle, je me suis rendu au Sénégal et en Guinée du 3 au 8 février, pour m’entretenir avec les dirigeants de ces deux Etats voisins sur les derniers développements politiques en Guinée-Bissau. Au cours de notre rencontre, le Président Macky Sall, président en exercice de la CEDEAO, a exprimé sa préoccupation au sujet de l’impasse politique actuelle et m’a assuré que la CEDEAO continuerait à appuyer le processus de stabilisation de la Guinée-Bissau. Il a cependant souligné l’importance, pour l’organisation sousrégionale, d’obtenir une assistance financière pour maintenir sa mission militaire, l’ECOMIB, au-delà du 30 juin 2016. Le Président Alpha Condé qui est également médiateur de la CEDEAO pour la Guinée-Bissau, a partagé avec moi les mêmes inquiétudes que son homologue sénégalais. Monsieur le Président,

Plus les institutions de l’Etat et les principaux acteurs politiques seront divisés, plus la situation politique actuelle gagnera en complexité, retardant de ce fait la mise en oeuvre des réformes essentielles. A l’heure où les partiesprenantes nationales tentent de résoudre leurs différends, et suite aux récentes décisions contradictoires du Tribunal Régional de Bissau, je leur lance à nouveau un appel pressant à accorder toute l’importance et la priorité requise à un dialogue franc et sincère, dans le strict respect de la Constitution et des lois. Toute autre formule en dehors de ces paramètres ne pourra que perpétuer le cycle d’instabilité politique qui prévaut dans le pays depuis fort longtemps.

Par ailleurs, s’il venait à persister, ce blocage institutionnel, compromettrait les chances de la population à accéder aux services sociaux de base tels que la santé et l’éducation, la condamnant ainsi à continuer à faire les frais de l’échec de son élite politique à tenir les promesses d’un avenir meilleur. Je voudrais saisir cette occasion pour féliciter les Bissau-Guinéens pour le rôle constructif qu’ils ont joué pendant cette période difficile, en faisant preuve de retenue et d’un remarquable esprit de civisme. Je réitère donc mon appel aux dirigeants politiques à placer l’intérêt national au-dessus de toute considération individuelle ou de groupe. Il est temps que ces dirigeants se concentrent sur la recherche de solutions durables au lieu de se perdre dans des accusations réciproques qui ne contribuent en rien à la résolution de la crise. De son côté, la communauté internationale a démontré, à plusieurs reprises, sa détermination à aider la Guinée-Bissau à avancer sur la voie du développement et de la paix. Je l’encourage d’ailleurs à poursuivre son action en faveur de ce pays d’une façon plus concertée et coordonnée.

Si les institutions de la République et les principales parties prenantes s’accordaient sur une feuille de route ou un pacte de stabilité, cela pourrait constituer un point de départ pour créer les conditions favorables à une stabilité institutionnelle, au moins, jusqu’à la fin de législature en cours. Ce pre-requis est fondamental pour la mise en oeuvre du Plan de Développement (Terra Ranka) qui a reçu, à la fois, le soutien des partenaires internationaux lors de la table ronde de Bruxelles de mars 2015, et bénéficie d’une large adhésion des Bissau-Guinéens.

J’exhorte donc toutes les parties prenantes, en particulier le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Premier Ministre, et les partis politiques, à poursuivre la voie du dialogue et à se pencher sur la possibilité d’adopter un tel pacte de stabilité dans l’intérêt de la nation. Comme le Secrétaire général l’a indiqué dans son dernier rapport sur la Guinée-Bissau, l’Organisation des Nations Unies est prête à soutenir toute initiative visant à renforcer la stabilité dans ce pays, pour peu que ses responsables fassent preuve de volonté politique à s’engager dans ce sens.   

Monsieur le Président,

Malgré des progrès enregistrés dans le renforcement de la sécurité intérieure, je demeure préoccupé par l’augmentation de la criminalité organisée dans le pays, en raison de la crise actuelle et de l’affaiblissement corollaire des institutions de l’Etat. Les récents actes de cambriolage à mains armées au domicile d’un membre du Gouvernement et dans la résidence d’un fonctionnaire international des Nations Unies illustrent la dégradation de l’environnement sécuritaire en Guinée-Bissau.

Monsieur le Président,

Comme vous le constatez, la situation politique dans le pays est préoccupante et le maintien de l’engagement des Nations Unies reste indispensable. Je voudrais donc réitérer la demande du Secrétaire Général au Conseil de Sécurité pour la prolongation du mandat du BINUGBIS qui expire le 29 février 2016 afin de permettre à cette Mission de continuer son actions été ses programmes, en vue de consolider la paix et l’Etat de droit en Guinée-Bissau.

Je vous remercie de votre aimable attention.